mardi 28 décembre 2010

A Paris, le choix de son mode de transport est aussi irrationnel.

Depuis quelques jours, une petite discussion sur l'usage des moyens de transport à Paris est apparue entre plusieurs blogueurs dont un centriste bayrouôlatre, un libéral échevelé et un gauchiste écrivain que certains droitiers qualifieraient de bobo. On s'interroge sur le conflit existant entre les moyens de transport dans notre belle capitale, à juste titre sans aucun doute. Les trois blogueurs semblent conclure que la voiture a encore de beaux jours devant elle.

Depuis quelques semaines, je suis privé d'automobile, à cause de l'indélicatesse d'un garagiste à qui nous allons bientôt, avec la Privilégiée, faire un procès. Cette panne est arrivée au moment où nous venions de nous installer au Raincy, commune située à 10 km du boulevard périphérique. Nous sommes à quelques minutes à pied de la gare du RER E, et la ville est irriguée par un important réseau de bus qui fonctionne relativement bien, sauf quand il neige...

L'absence de voiture nous a obligé à une réorganisation de notre vie mais aussi à revoir certaines de nos idées à propos des transports. Durant mes premières semaines au Raincy, j'ai commencé à me rendre à mon lycée dit difficile en voiture. En théorie, le parcours prend 25 mn porte à porte. Or, en fonction des horaires, cette réalité varie considérablement. A 7h30 du matin, il faut plutôt compter 1h00 de trajet, voire plus s'il y a un problème sur l'A 86, le second périphérique parisien, traversant les départements de la petite couronne. Cette autoroute est saturée et il suffit d'un quelconque véhicule en panne pour que la circulation cesse séance tenante. En parallèle, le trajet en transport en commun (RER, tramway) prend 45 mn.

Tu vas donc me dire, cher lecteur, qu'il me fallait emprunter les transports en commun, plus lents mais plus sûrs. Pourtant, contrairement à cette évidente logique, j'ai utilisé, jusqu'à la fameuse panne, ma voiture, arrivant à plusieurs reprises en retard au travail. Pourquoi ? Tout simplement pour gagner un peu de sommeil. En clair, je me suis dit, à l'époque, que je gagnais 30 mn de sommeil et que cela me permettait de me coucher un peu plus tard le soir. Ma logique était totalement irrationnelle, et elle m'a mise plusieurs fois en difficulté, mais je ne me suis pas interrompu pour autant.

Depuis la panne de mon véhicule, je me suis mis à discuter avec mes proches utilisant soit la voiture systématiquement, soit les transports en commun, soit les deux en fonction des moments. Ainsi, si certains individus ont des raisons tout à fait cohérentes de choisir l'un ou l'autre, on se rend compte aussi qu'il existe toute une série de raisons absolument incohérentes qui justifient l'usage de l'un ou de l'autre.

Ainsi, dans mon sondage, sans aucune valeur statistique, on trouve par exemple, pour justifier l'usage des transports en commun, l'idée de faire diminuer la pollution, mais aussi la ponctualité de ce mode de transport, sa régularité ou son coût.

Les arguments pro-voiture sont tout aussi divers. Ainsi, on m'a parlé de sécurité dans les transports en commun, de promiscuité insoutenable ou d'inconstance des transports collectifs, soit parce qu'ils sont mal entretenus (cette idée est souvent revenue sur les RER B et D), soit parce que des gauchistes passent leur temps à les mettre en rade.

Ce qui est très intéressant, c'est qu'aucun de ces arguments n'est tenable lorsqu'on en débat :

  • la ponctualité des transports en commun est très relative, car les pannes et les retards reviennent régulièrement, mais cela est tout aussi vrai en voiture, puisqu'en région parisienne, il est impossible de prévoir son temps de parcours, malgré les outils existants pour essayer de s'organiser.
  • Le coût est tout aussi discutable, car les transports en commun coûtent chers. Tout dépend du parcours effectué, de la distance parcourue, du temps passé : chaque individu ne rencontre pas du tout les mêmes difficultés.
  • La notion de sécurité est toute relative. Personnellement, je vis en région parisienne depuis 33 ans et je ne me suis jamais fait agresser en transport en commun (sauf une vague tentative de vol de téléphone) mais certains de mes proches m'ont conté des histoires hallucinantes d'agressions vécues ou fantasmées. La sécurité en voiture est tout aussi relative, parce que l'on peut parfaitement se tuer en bagnole et que les agressions existent aussi (le vol et les dégradations de voiture sont récurrents).
  • Les grévistes ont de toute façon un impact sur les deux moyens de transport : lorsque les métros ne roulent plus, la circulation automobile se bloque instantanément.
Nos concitoyens franciliens continuent, parfois obstinément, à refuser le métro ou le RER. C'est bien pour cela que toute annonce du maire de Paris, qu'elle soit intelligente ou stupide, suscite des réactions outragées. Nos concitoyens ne parlent pas avec leurs raisons sur ce point, mais avec bien d'autres éléments dans la tête. On ne peut pas envisager une politique cohérente des transports à Paris sans admettre que les Franciliens utilisent ceux-ci de manière irrationnelle.

Certains facteurs ont un impact, en particulier la distance entre lieu de travail et domicile, les moyens de transport existants entre les deux, les moyens financiers des individus, les disponibilités en logement.

Le politique peut bien sûr agir sur les choix que nous faisons. A Paris, la mairie tente de nous empêcher de prendre la bagnole pour venir de banlieue. Cependant, nous n'avons pas du tout attendu Delanoë pour venir en transport. J'ai le permis depuis 1995, et je n'ai pas souvenir qu'il était facile de se déplacer en voiture à Paris, sauf peut-être entre 1h et 5h du matin. 

Contrairement à Hashtable, je pense que certains Franciliens seraient parfaitement prêts à se passer de bagnole mais ne le peuvent pas, tandis que d'autres le peuvent mais ne le souhaitent pas.

Dans cet esprit, on peut envisager les choses de trois manières :
  • soit agir de manière douce, comme le font actuellement le STIF et la ville de Paris, en développant l'offre de transport collectif tout en gênant la circulation automobile sans l'empêcher pour autant. Cette politique coûte moins chère mais suscite le mécontentement de tous ceux pour qui renoncer à la voiture est une horreur et de ceux qui ne peuvent pas y renoncer de toute façon car les transports en commun sont inadaptés.
  • soit agir de manière forte en faisant des interdictions, mais cela impose une politique beaucoup plus offensive au niveau des investissements et du fonctionnement des réseaux publics. Là, les moyens vont manquer, et en plus, on suscitera toujours autant de mécontentement. D'autre part, je trouve assez malhonnête d'interdire en promettant les solutions de remplacement pour 2030...
  • soit laisser tomber les investissements collectifs et revenir à une fluidification de la circulation automobile. Cela coûterait moins cher mais ne résoudrait pas la question de la pollution ni celle de l'engorgement. D'autre part, elle mécontenterait les nombreux Franciliens qui n'ont pas de voiture ou qui ne s'en servent qu'une fois par mois, les obligeant à supporter eux-mêmes les coûts. Cette politique-là est une politique de transfert des charges vers les citoyens...
Il n'y a donc aucune politique parfaite sur ce sujet, et je n'aimerais pas être à la place des politiciens chargés de prendre des décisions.

Personnellement, je trouve qu'il faudrait déjà rendre gratuit les transports en commun et faire supporter par l'impôt cette charge. Cependant, là encore, le métro, les bus et les trains sont-ils capable d'encaisser une hausse massive des flux ? J'en doute fortement.

10 commentaires:

  1. et puis il faudrait que chaque trajet de transport en commun comporte une crèche, avec des places, une école primaire, une grande surface, une salle de sport et le travail de chacun, outre le domicile... ou sinon, c'est stériliser complètement la région parisienne. Ou, encore une fois, virer toutes les personnes dont le revenu est inférieur à 3000€/mois et qui peuvent payer quelqu'un pour faire à leur place la moité de leurs tâches personnelles. Les transports en commun, quand on est sans enfants, c'est nickel, et encore, à condition de ne pas travailler au delà de 20h30 et d'habiter assez près (d'où un coût élevé de loyer) pour ne jamais être seul en fin de rame.

    C'est des fantasmes de riches qui n'ont jamais pris de métro, et/ou qui n'ont jamais eu l'intention de fonder une famille, voire qui souhaiteraient que les autres ne le fassent pas, ces rêves sur les transports en commun.

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  2. @ Do : ces fantasmes sont fondamentaux dans la relation des personnes avec leurs transports. Si on ne fait pas évoluer cela, rien ne bougera sans douleur.

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  3. Dans le meilleur des mondes, il faudrait une région parisienne beaucoup mieux desservie, des tarifs plus bas, ou la gratuité des transports en commun. Ensuite faudrait éviter de tout défoncer et pouvoir se sentir un peu en sécurité.
    Donc, la voiture, c'est plus sûr car rien de tout ça n'arrivera.

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  4. @ Manuel : franchement, Manuel, combien de fois as-tu eu de vrais problèmes dans les transports en commun parisiens ?

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  5. Tu veux parler d'agression? Ce n'était pas le point central de ma courte argumentation mais le dernier. Je disais mieux desservi, tarifs plus bas, respect des infrastructures de la part des usagers et... sécurité.
    J'ai subi une vraie agression flippante et plusieurs molestations.

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  6. @ Manuel : molestations ??? Qu'est-ce que cela veut dire ?

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  7. Ça veut dire crachat, ça veut perdre une "baston de regard", et on va dire en règle générale ne pas marcher la tête haute, mais ça n'était pas spécialement lié aux transports, mais plutôt au lieu, donc bon...

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  8. @ Manuel : "baston du regard" ??? Non mais, de quoi tu parles ? Si tu estimes que parce qu'un gamin t'a fixé dans les yeux, tu es en insécurité, je confirme mon concept d'"irrationalité".

    Je ne vois pas ce que tu veux dire par le "lieu".

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  9. Non, baston de regard, c'est quand t'es ado et que t'es obligé de te faire tout petit parceque t'as une bande de branleurs menaçant tout près.
    Lieu, ça veut dire Pantin, 93.

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  10. @ Manuel : ah, cela ne m'est jamais arrivé. J'ai eu ça mais au collège, pas dans le métro.

    Pour ce qui est de Pantin, là encore, je peux compter les problèmes que j'y ai eu sur les doigts d'une main, alors que j'y ai vécu 24 ans. Cependant, je suis peut-être un chanceux.

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