vendredi 29 octobre 2010

"Laurence, voulez-vous danser avec moi ?"

De nombreux blogueurs ont commenté, via Twitter, la difficile émission nommée "Mots croisés" qui est passé sur France 2 lundi soir. Elle annonçait en effet le traditionnel abandon des leaders syndicaux face au front uni de la bourgeoisie continuant à défaire progressivement le modèle social français, malgré le refus mollasson de la population et un mouvement de grève pourtant sans précédent depuis 2003.

Cette émission fut pénible à bien des égards et un moment la symbolise tout à fait.

Laurence Parisot était l'une des quatre intervenantes de cette joyeuse bande. Bien plus qu'Estrosi, définitivement un bien piètre défenseur de l'action du président de la République, elle a promu une réforme dont elle est l'inspiratrice. A un moment, elle s'est même permise de dire qu'elle se rendait bien compte que "les Français avaient du mal à joindre les deux bouts".

Là, dans mon cerveau de gauchiste qui ne comprend rien à la bonne et juste économie enseignée par nos élites, je me suis dit : "mais, dis donc, c'est pas toi qui représente les institutions appelées entreprises qui les versent, ces salaires ???"

Et j'ai attendu qu'une réaction se produise. Bien évidemment, je n'espérais rien d'Estrosi (qui a quand même réussi à citer "Nice" une dizaine de fois durant une émission sur un thème national) ni de Calvi, bien occupé à montrer qu'il était combatif tout en servant la soupe. Je n'attendais rien non plus de François Chérèque, qui avait déjà revêtu ses plus beaux atours pour proposer à Laurence de danser un slow à la fin de l'émission...

D'ailleurs, en aparté, je voudrais dire ici toute ma solidarité envers les militants de la CFDT qui ont eu le bonheur de se réveiller mardi matin avec une grosse douleur dans le bas du dos. Cher camarade, il est encore temps de changer de syndicat et de priver de tes subsides des dirigeants qui n'ont qu'une seule pensée en tête : signer un accord, quel qu'il soit, avec qui que ce soit. En France, les syndicats ne manquent pas, je t'assure. De l'UNSA à la CNT, tu peux largement trouver chaussure à ton pied.

Non, moi, j'attendais Thibault. Ce dirigeant de la CGT ne pouvait pas laisser passer une phrase pareille. Immédiatement, ses souvenirs de formation syndicale (mais néanmoins marxiste) allaient remonter à la surface. Un filet de bave devait se mettre à couler de ses babines et, pendant qu'il se saisissait de son couteau de léniniste toujours planqué dans son caleçon, il allait se jeter sur la mère Laurence en hurlant "Vive la Révolution", tout en assénant au camarade Chérèque un bon coup de tatane, pour marquer le côté "social-traître" de son allié en train de lui en mettre plein le dos...

Mais non... Rien de rien... Le secrétaire général n'a pas plus réagi que les autres. Bien au contraire, il s'est contenté de réponses vaseuses sur les retraites et s'est laissé enfermer dans le conflit des dockers marseillais, sans pouvoir dire quoi que ce soit.

Mais pourquoi ? Pourquoi refuser de leur rentrer dedans ? Qu'avait-il à y perdre ? Risquait-il sa décharge à la SNCF ? Allait-il se faire sermonner par le politburo parce qu'il aurait osé ébouriffer un peu la patronne des patrons ? Craignait-il de briser un front syndical que son voisin se préparait gentiment à massacrer 30 minutes plus tard ?

Je ne sais pas, mais franchement, il y a des moments où on aimerait mettre un grand coup de balai là-dedans.

10 commentaires:

  1. Enfin, vous savez bien que la plus grande trouille des dirigeants syndicaux, ça n'a jamais été de sortir plus ou moins vaincus d'un conflit avec le patronat, mais d'être "débordés par la base", comme on dit. Thibault comme les autres.

    RépondreSupprimer
  2. C'est simple l'économie en fait, il suffit d'augmenter les salaires, et si les patrons ne le font pas, c'est parce que ce sont tous des bourgeois exploiteurs.

    RépondreSupprimer
  3. Mince, presque d'accord avec Didier… Il y a aussi surtout qu'ils tiennent à la fragile unité syndicale basée sur le plus petit dénominateur commun (c'est à dire les bornes posées par la CFDT), et puis à l'œuvre le souci de bien se retrouver à terme les seuls syndicats "représentatifs", avec FO en 3e larron, mais aucune autre organisation.

    RépondreSupprimer
  4. @ Didier : dans notre beau système politique, personne ne souhaite être dépassé par sa base. Heureusement que la base est composée de mous...

    @ Tzatza : c'est vrai, j'avais oublié que les patrons ne rêvaient que d'une chose (permettre à leurs salariés de s'enrichir) et qu'ils en étaient empêchés par le contexte. On se demande d'ailleurs pourquoi Laurence soutient un gouvernement qui mène une politique qui l'empêche d'assouvir son rêve.

    @ LCC : cette unité syndicale est un drame pour tout le monde, j'en suis bien d'accord.

    RépondreSupprimer
  5. Bonjour Mathieu,
    Tu as raison, on ne doit pas laisser un gouvernement quel qu’il soit passer des réformes impopulaires. Mais n’as-tu as remarqué, qu’ici en France toutes les réformes sont impopulaires et font l’objet de manifestations continuelles.
    Résultat ? Le Pays a stagné.
    Ce n’est pas le passage aux 35 heures qui ont arrangé quelque chose….
    Moi, personnellement, je suis nulle en économie et en chiffres, mais là, vois-tu, tout le monde, même tous les manifestants sont d’accord sur le fait qu’il fallait faire quelque chose pour sauver les retraites futures et quand je dis futures, je pense aux années les plus proches à venir…
    Parce quand je vois des écoliers et des étudiants, qui prendraient leur retraite au mieux dans un demi siècle, vois-tu la manipulation exercée sur eux me fait sourire.
    N’as-tu pas remarqué comment le progrès transforme de plus en plus notre Paysage ? Peut-on dès aujourd’hui préjuger de ce sera la vie de ces jeunes ? Peut-être auront-il muté, avec des téléphones portables greffés sur leurs oreilles, dès leur naissance (là, je plaisante) Mais il est vrai, que vraiment, faire toutes ces manifestations qui ont un coup énorme pour le Pays, alors que 2012, c’est pratiquement demain…De la patience, et si l’ensemble des Français sont dans le camp que tu supposes, alors qui les empêchera dans moins de deux ans, d’abolir cette réforme ? Et au moins, cela n’aura pas trop coûté aux concitoyens qui maintenant vont voir tout ce qui concerne le carburant augmenter drôlement (ce qui a une incidence certaine sur le coup de la vie)
    Cela aurait aussi empêché quelques malheureuses faillites, car elles on ont provoqué…..
    Et puis, je vais te dire le Pouvoir de la rue est le pire des totalitarismes. On ne sait jamais ce qui peut en sortir… Vaut mieux une UMP (encore pour un tout petit moment) que le pouvoir au peuple…. On a vu par le passé et encore aujourd’hui, des pays , où les rebelles ne manquent pas….C’est cela le pouvoir de la rue.
    Mais tu as des idées généreuses et je les respecte,
    Cordialement,

    RépondreSupprimer
  6. @ MMlles : je ne souscris pas à ce commentaire.

    A quoi voyez-vous l'effondrement de la France ? A son PIB, le 5e du monde ? A sa richesse, en croissance permanente ? A son espérance de vie, en augmentation constante ? J'attends une réponse construire. Et aussi une démonstration de l'impact négatif des 35 heures.

    Sur la vision à 50 ans, d'accord. On pourrait alors se demander pourquoi faire une réforme des retraites en prévoyant à 40 ans.

    Je suis totalement pour une réforme des retraites qui sauvent le système, en envisageant toutes les voies, et pas seulement celle qui répond aux objectifs idéologiques du patronat et des gouvernants actuels. Personnellement, j'étais pour un référendum.

    Sur la grève, elle est de la responsabilité du gouvernement. Dans cette affaire, les syndicats ont totalement maîtrisé le rapport de force et ont finalement évité que cela ne tourne mal. D'ailleurs, la réforme est passée.

    Pour vous, une démocratie, c'est un système où on élit un chef et/ou un parti, et où on attend tranquillement que cela se passe sans rien faire ou dire ? Eh bien, ce système est minable. Un pays où la population a la possibilité d'utiliser ses droits comme le nôtre, même si on peut critiquer les grévistes et les manifestants par ailleurs, je trouve que c'est bien plus sain. On n'a pas à dire aux Français qu'ils sont des enfants parce qu'ils se plaignent, on a au contraire à plaindre les autres qui sont incapables de s'exprimer et de prendre leurs responsabilités. Tant pis pour nos tristes voisins.

    RépondreSupprimer
  7. Mathieu,

    Non, si la démocratie existe c’est bien pour nous permettre des oppositions. Simplement sur celle-ci précisément, je pense, que du fait que déjà nous sommes en crise, endettés (comme la majorité de l’occident) etc… Plutôt que d’alourdir la charge avec ces manifestations couteuses, il était préférable bien entendu de faire connaître son opposition de manière ferme, mais autant de manifestations, cela n’a aidé en rien. C’est quasiment la fin du mandat. Tant que la démocratie est sauve, toute réforme peut-être réversible. Tandis, que comme je te l’ai dit, le pouvoir de la rue me fait peur, parce qu’il est arrivé souvent dans l’histoire, où il est devenu incontrôlable, et ici, en général on peut en arriver à une guerre civile. Ce qui n’arrangerait les affaires de personne. De plus, au point où nous en sommes, c’est la démocratie que nous mettons en danger, quand il n’y a plus de contrôle.
    Ce n’est que mon point de vue, et je peux considérer le tien aussi.
    Salut,

    RépondreSupprimer
  8. @ MMlles : j'aimerai bien que vous citiez une source documentée qui démontre le coût de ces manifestations, qui ne dérangent vraiment pas grand-chose, à part quelques automobilistes perdus dans les villes et qui n'ont pas écouté les médias.

    Je crains que cette réforme ne soit pas réversible, car le PS a le même programme, mais enfin, nous verrons.

    J'ai participé très activement à ce mouvement, et je n'ai jamais ressenti que la démocratie fut menacée. Quant à la guerre civile, là encore, pas de signe annonciateur...

    RépondreSupprimer
  9. Mathieu,

    Je n'avais pas vu ce passage là de l'émission. Tu as raison d'avoir bondi dans ton canapé.

    Je me demande si tous ces gens savent vraiment ce que c'est qu'une petite retraite, et comment on vit avec une petite retraite. Travaillant dans cette branche, des couples de vieux à la ramasse, j'en cotoie tous les jours, et même des actifs qui ne parviennent plus à payer quoi que ce soit, qui se retrouvent en situation de contentieux, noyés à même pas 45 ans.

    Je veux bien que l'on me ressorte l'ineffable couplet sur les 35 heures (alors que l'on sait pourtant qu'en France, on ne travaille pas moins qu'ailleurs en Europe), mais hormis les réflexes argumentaires des individus de droite, on va faire quoi pour ces gens ? Et qui en a quelque chose à foutre d'eux ?

    Ni les syndicats, ni le gouvernement, ni la gauche, ni les jeunes qui ont manifesté n'en parlent. Après la canicule, Raffarin a décrété qu'on allait plus chômer le Jour de Pentecôte. So-li-da-ri-té disait-il ! Où est passé ce fameux concept de solidarité. Avec Bébé et l'eau du bain ?

    Les gens ont la mémoire courte (ils oublient au passage que Fillon nous avait fait le coup en 2003 du sauvetage du système par répartition : on voit ce que ça a donné - une réforme encore plus inégalitaire, 7 ans plus tard). On pousse très loin l'incompétence.

    RépondreSupprimer
  10. @ Dorham : c'est un problème très important que tu résumes là. Le problème est que nos concitoyens manquent sans doute d'une information claire mais qu'ils n'ont pas non plus fait l'effort d'aller la chercher, comme ils n'ont pas fait non plus l'effort de manifester ou de lutter contre ce texte, malgré leur soi-disant opposition.

    Sur les vieux et leur sort, je crains que nous ayons une lourde tendance à les rejeter parce que nous craignons l'image de notre futur qu'ils nous balancent à la figure. Mais peut-être suis-je un peu trop négatif sur nous-mêmes...

    RépondreSupprimer